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Splitboard au Maroc
Ali Baba

Je guettais anxieusement depuis quelques semaines les rares précipitations sur le Maroc. La saison d’hiver ayant été particulièrement sèche, c’était un coup de poker que de quitter nos alpes pour le Haut Atlas Marocain. Notre billet étant de toute façon réservé, la première étape de ce tour du monde ne pouvait pas attendre plus. Après avoir encaissé le fait que Géraldine ne pourrait pas m’accompagner pour rider sur les sommets à cause de sa récente opération, nous nous devions de trouver une solution avant que toute trace de neige ne disparaisse du continent africain.

Les cartes météo nous annoncent enfin une bonne nouvelle, une trentaine de centimètres de neige sont tombés une semaine avant le départ. Ni une ni deux, j’appelle quelques amis qui seraient susceptibles de m’accompagner en montagne. C’est Noé qui sera le premier à répondre positivement, un ami vaudois télémarkeur qui a émigré à Chamonix pour rider de la pente raide. Une grosse expérience en montagne et surtout beaucoup plus la forme que moi qui n’ait sorti la splitboard qu’une seule fois cette saison. La semaine dans l’Atlas s’annonce donc sportive !!! Rendez-vous à l’aéroport de Genève lundi 17 mars et direction Marrakech !

Nous y dormirons chez Aniko, notre contact de l’association Mountain Propre, qui œuvre à débarrasser le Parc National du Toubkal de ses déchets. Après une nuit tempétueuse qui nous laisse espérer encore un peu de neige, nous nous dirigeons à une heure de route vers Imlil, petit village servant de point de départ des randonneurs vers le Toubkal. La météo y est encore capricieuse et les sommets cachés dans les nuages. Après avoir organisé une mule pour le lendemain matin et acheté de quoi se nourrir pour les repas hors de la cabane, nous nous endormons en espérant que le beau temps annoncé soit au rendez-vous à notre réveil.

Hassan et sa mule toquent à notre porte à 7h du matin, il fait grand beau et nous sommes prêts à attaquer la montée. Nous chargeons Ali Baba de notre matériel et entamons cette longue montée. Douze kilomètres et 1400 mètres de dénivelé que nous avalerons en un peu plus de 3 heures. Les paysages changent au fil du chemin, passant d’une forêt de noyer à des vallées avec quelques arbustes dominées par les cimes enneigées. Plus nous montons et plus la montagne devient rocailleuse, la végétation se raréfie, les arbustes laissant place aux buissons, puis aux touffes d’herbes jaunies par le soleil et enfin la neige pour les 30 dernières minutes de marche avec le mirage de la grande bâtisse de pierre qui se rapproche et se matérialise finalement. Nous arrivons donc au refuge du Mouflon, accueillis avec grands sourires et thé aux douze épices par Aziz de l’Oasis, le pitre qui sert de cuisinier et d’homme à tout faire dans le refuge, une belle rencontre !

Dream Team Mouflons   Ali Baba

 

Nous reprenons vite quelques forces avec le thé et quelques victuailles avant de nous lancer dans la deuxième montée du jour, une belle combe qui monte au-dessus du refuge et qui semble bien poudreuse. Cette fois-ci, Ali Baba ne nous aidera pas à porter notre matériel, nous mettons le sac sur le dos et portons snowboard et télémarks pour la première demi-heure avant de pouvoir mettre les peaux. La montée s’avère plus longue que prévue et après 3 heures d’efforts sans rien à se mettre sous la dent, c’est la motivation de la poudreuse qui nous permet d’avaler la montée du dernier couloir et de débarquer au col du petit doigt (Tizi n Taddate). La vue du sommet et magnifique et laisse présager d’autres faces poudreuses pour ces prochains jours. Nous nous relayons à la descente pour chacun pouvoir tracer de la poudreuse vierge et immortaliser nos premiers virages sur le continent africain. Du pur bonheur avec un petit couloir final encore poudreux que nous ridons en tandem jusqu’au refuge ou nous allons directement nous effondrer dans nos lits. 2’100 mètres, c’était le plus gros dénivelé de la saison pour Noé, et pour moi aussi forcément…  Le tagine de poulet aux légumes du soir englouti, nous ne mettrons pas long avant de nous endormir en rêvant à la descente du lendemain.

Tizi Simon sous les falaises de Tizi n Taddat Capture d’écran 2014-04-19 à 11.23.04

 

Après une bonne nuit de sommeil et un bon petit-déjeuner, nous chaussons nos peaux et prenons la direction du Ras Ouanoukrim. Ce 4000 a la même exposition que la pente ridée le jour précédent, le long et étroit couloir promet donc d’être bien poudreux. Après deux heures d’approche, il est temps de mettre la planche sur le sac et d’attaquer la montée du couloir en enfonçons jusqu’au genou à chaque pas. Nous avalons rapidement ces 1000 mètres de descente avant de laisser nos affaires au refuge et descendre chercher Géraldine à Imlil.

Capture d’écran 2014-04-19 à 13.32.13 Début de montée à pied dans le couloir du Ras Simon Turn Ouanoukrim

 

Nous profitons de la descente pour ramasser les innombrables bouteilles en PET que nous croisons et qui malheureusement polluent autant le paysage que les ressources en eau du pays.

Géraldine montera le lendemain sur une mule pour venir profiter du soleil et du panorama en altitude. Refaire cette marche de plus de 3 heure n’a  pas entamé la motivation de Noé qui, à peine arrivé au refuge, prends seul la direction de Tizi Melloul pour rider une belle combe.

Géraldine sur sa mule

 

Nous profitons de la terrasse et du soleil avec Géraldine et je me repose un peu en prévision de la montée du Toubkal prévue le jour suivant.

Le Djebel Toubkal est la plus haute montagne d’Afrique du Nord avec ses 4167 m. Malgré l’altitude, les pentes de ce sommet ne sont pas très enneigées et il y a beaucoup de cailloux. Les quelques jours de beau temps et de chaleur ayant transformé la poudreuse en neige de printemps, nous optons pour un mini couloir que nous avons même repéré et qui devrait être sympa. Nous attendons un moment au sommet que la neige ramollisse en buvant une bouteille de vin blanc amenée pour l’occasion. Après avoir profité du panorama et du blanc, nous cherchons l’entrée du couloir qui est loin d’être facile à trouver. Nous attaquons la descente en duo dans des températures tropicales, passant du couloir à une grande combe qui nous amènera au bord de la rivière, quelques centaines de mètres plus bas que le refuge.

Toubkal Secret Couloir Getting closer White wine at the top

 

Noé ayant son vol de retour le lendemain tandis que Géraldine et moi avons un rendez-vous en fin de journée pour expliquer le fonctionnement de nos filtres à eaux, nous nous levons très tôt pour pouvoir faire un dernier sommet. Nous devons commencer à rider à 10 heures pour pouvoir charger la mule et attaquer la descente sur Imlil au plus vite. La face choisie pour cette dernière descente est plus compliquée que celles des jours précédents, un petit couloir au sommet, une traversée pour rentrer dans un autre couloir amenant à une large pente se terminant sur des barres rocheuses. Avant ces barres, il faut déchausser pour faire une petite traversée conduisant au couloir final, long et étroit. Avec la fonte des neiges, le début de l’ascension du couloir se fait sur une fine couche de neige dure et nous entendons le bruit de l’écoulement de l’eau sous nos pas. Une fois de plus, les passages sont plus fins que prévus, il faudra sauter un verrou à la descente et le piolet n’est pas de trop pour aider à franchir ce passage. Je commence à me demander si l’idée était bonne de suivre mon sherpa Chamoniard dans ce labyrinthe de couloirs et si la neige sera encore présente lors de notre descente deux heures plus tard vu l’intensité du soleil sous ces latitudes. Malgré ces inquiétudes, nous serons presque à l’heure pour rejoindre Gégé qui commençait à s’inquiéter sur la terrasse des Mouflons.

Capture d’écran 2014-04-19 à 15.05.56

 

La tête pleine de beaux souvenirs de cette semaine dans la neige africaine, nous redescendons les trois à Marrakech. Noé reprendra l’avion vers la Suisse et nous troquerons nos affaires d’hiver contre le surf et prendrons la direction d’Imessouane et de sa vague mythique.